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Mesures fiscales phares de la loi de finances 2024

La présente note synthétise les principales dispositions d’ordre fiscal du projet de la loi de finances 2024, telle qu’elle a été votée par la Chambre des représentants à la date du 15 novembre 2023 (ci-après « PLF 2024 »).

  • Mesures spécifiques à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après TVA)

Voici les principales mesures prévues par le projet de loi de finances de 2024 en matière de TVA :

1. Alignement progressif des taux de TVA

Le tableau ci-dessous résume les changements de taux de TVA proposés par le PLF 2024 :

Nature des opérationsTaux 2023Taux prévus par le PLF 2024
Prestations d’assainissement et la location de compteurs d’eau destiné à un usage non domestique ;7%8%
Énergie électrique ;14%16%
La location des compteurs d’électricité destiné à un usage non domestique7%11%
Production de l’énergie électrique de sources renouvelables ;14%12%
Sucre raffiné ;7%8%
Voiture économique ;7%10%
Opérations de transport de voyageurs et de marchandise, à l’exclusion des opérations de transport ferroviaire ;14%16%
Opérations de transport urbain et de transport routier de marchandises, à l’exclusion des opérations de transport ferroviaire ;14%13%
Prestations de services rendues aux entreprises d’assurances par les démarcheurs ou courtiers d’assurance à raison des contrats apportés par lui à une entreprise d’assurances ;14%12%

N.B : les prestations d’assainissement et la location de compteurs d’eau et la location des compteurs d’électricité sont exonérées avec droit à déduction.

2. Généralisation de l’exonération de la TVA aux produits de base de large consommation

Le PLF 2024 propose l’exonération de certains produits de première nécessité, en conformité avec la loi-cadre n°69-19 :

Nature des opérationsTaux 2023Taux proposé pour 2024
Médicaments et matières premières entrant dans leur composition ;7% Pour certains médicaments qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 92 du CGIExonération de tous les médicaments
Fournitures scolaires et des produits et matières entrant dans leur composition ;7%Exonération
Conserves de sardines, du lait en poudre et du savon de ménage ;7%Exonération
Beurre dérivé du lait d’origine animale ;14%Exonération

3. Institution du régime de l’autoliquidation de la TVA

Actuellement, le fournisseur ou prestataire de service facturant la vente d’un bien ou d’un service, même s’il est hors champ ou exonéré, collecte la TVA pour le compte du trésor public. Le mécanisme d’autoliquidation de la TVA inverse ce processus.

Il est prévu d’appliquer un nouveau régime d’auto-liquidation de la TVA qui consistera à ce que les personnes exerçant une activité soumise à la TVA, de calculer le montant de cet impôt sur leurs achats effectués auprès des fournisseurs situés hors champ d’application de la TVA ou exonérés sans droit à déduction, et de procéder en même temps à la déduction du montant de ladite taxe et ce, à l’exclusion des opérations d’achat de terrains et des produits agricoles.

4. Institution d’un nouveau régime de retenue à la source (Ci-après dénommée RAS) en matière de TVA

1. La retenue à la source sur les opérations effectuées par les fournisseurs de biens et de travaux assujettis à la TVA :

Cette RAS devra être effectuée par les clients assujettis sur le montant de la TVA due au titre des opérations imposables effectuées par leurs fournisseurs de biens et de travaux qui ne présentent pas à leurs clients, l’attestation justifiant leur régularité fiscale datant de moins de 6 mois au titre des obligations de déclaration et de paiement des impôts, droits et taxes prévus par le CGI, délivrée par voie électronique par l’administration fiscale depuis moins de 6 mois.

N.B : l’Etat et les collectivités territoriales ne sont pas tenus d’opérer ladite RAS.

2- Retenue à la source sur les opérations effectuées par les prestataires de services assujettis à la TVA.

Cette RAS sera prélevée au titre des opérations de prestations de services dont la liste est fixée par voie réglementaire, à hauteur de 75% du montant de cette taxe par :

  • Les organismes de l’État, les collectivités territoriales, les institutions, les entreprises publiques, les filiales de celles- ci, ainsi que d’autres entités publiques, qui versent les rémunérations liées aux services mentionnés aux personnes assujetties à cette taxe.
  • Les entités juridiques assujetties à une réglementation particulière et les travailleurs indépendants dont le revenu est déterminé selon le régime du résultat net réel ou du régime net simplifié, assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, qui versent des rémunérations liées aux services mentionnés aux travailleurs indépendants assujettis à cette taxe et qui ont fourni une attestation de régularité fiscale datant de moins de 3 mois.

À défaut de fourniture de l’attestation de régularité fiscale mentionnée, la TVA est retenue à la source à hauteur de 100% de son montant.

Sont exemptées de cette RAS :

  • Les opérations de vente liées à l’électricité et à l’eau fournies par les réseaux de distribution publics.
  • Les services d’assainissement fournis aux abonnés par les organismes responsables de l’assainissement, ainsi que la location des compteurs d’eau et d’électricité.
  • Les ventes réalisées et les prestations de services fournies par les opérateurs de télécommunication.
  • Les services fournis par tout agent, courtier ou intermédiaire dans le domaine de l’assurance.
  • Les opérations dont le montant est inférieur ou égal à 5.000 MAD dans la limite de 50.000 MAD par mois et par fournisseur de biens, travaux et services.

5. Réinstauration de l’obligation de conservation des biens d’investissement inscrits dans un compte d’immobilisation pendant cinq ans ;

Outre l’obligation de conservation des biens immeubles actuellement en vigueur, le PLF 2024 propose de réinstaurer l’obligation de conservation des biens meubles ayant bénéficié de l’achat en exonération ou du droit à déduction, dans un compte d’immobilisation pendant une période de 5 ans (60 mois).

A défaut, un reversement du montant de la TVA initialement déduite ou ayant fait l’objet d’exonération au titre desdits biens sera du, diminué, selon le cas, d’un soixantième par mois ou fraction de mois écoulé depuis la date d’acquisition des biens meubles ou d’un dixième par année ou fraction d’année écoulée depuis la date d’acquisition des biens immeubles.

6. Révision du traitement de la TVA sur les biens d’investissement acquis par les établissements d’enseignement ou de formation professionnelle

Le PLF 2024 prévoit que l’acquisition des biens d’équipement destinés à des établissement de l’enseignement privé ou à la formation professionnelle ne sera plus exonérée de la TVA. Ces établissements devront supporter la TVA sur les acquisitions desdits biens d’investissement, même si l’acquisition est réalisée avant ou après les 36 mois à compter du début d’activité.

Toutefois, les établissements privés d’enseignement ou de formation professionnelle bénéficiant de l’exonération prévue aux articles 92-I-8° et 123-24° du CGI en vigueur avant le 1er janvier 2024 et pour lesquels le délai d’exonération n’a pas expiré au 31 décembre 2023, continuent de bénéficier de l’exonération précitée jusqu’à expiration dudit délai.

7. Élargissement du champ d’application de la TVA pour appréhender le commerce numérique

Le PLF 2024 prévoit d’instituer une base juridique permettant d’appréhender la fourniture en ligne de services dématérialisés par des fournisseurs non-résidents à des consommateurs finaux. Les mesures proposées se présentent comme suit

  • La révision des règles de la territorialité de la TVA, afin de consacrer le principe de taxation des prestations de services numériques selon le lieu de la résidence du consommateur.
  • À défaut de représentant fiscal au Maroc, l’institution de l’obligation d’identification des fournisseurs non-résidents desdits services numériques sur une plateforme électronique ainsi que l’obligation de déclaration de chiffre d’affaires réalisé et de versement de la TVA due au Maroc sans droit à déduction.

8. Institution du principe de solidarité des dirigeants d’entreprises en matière de TVA

En cas de non-respect des obligations de déclaration et de paiement prévues par le CGI en matière de TVA, le PLF 2024 prévoit que toute personne exerçant directement ou indirectement des fonctions d’administration, de direction ou de gestion de l’entreprise demeure solidairement redevable de la taxe due, des pénalités et majorations y afférentes.

9. Clarification du régime fiscal applicable aux locations de locaux non équipés de TVA ;

En plus des locaux meublés ou garnis et les locaux qui sont équipés pour un usage professionnel ainsi que les locaux se trouvant dans les complexes commerciaux (Mall) y compris les éléments incorporels du fonds de commerce, le PLF 2024 prévoit de soumettre également à la TVA les opérations de locations portant sur les locaux non équipés à usage professionnel acquis ou construits avec bénéfice du droit à déduction ou de l’exonération de TVA.

10. Précision sur le délai de forclusion lié à l’exercice du droit à déduction :

Le PLF 2024 prévoit que le contribuable peut exercer le droit à déduction d’une TVA supportée au cours du mois de l’établissement des quittances de douane ou du paiement partiel ou intégral des factures ou mémoires établis au nom du bénéficiaire au lieu de l’expiration du mois de l’établissement de ces quittances.

Si le contribuable ne formule pas sa demande de déduction dans un délai d’une année à partir du jour où le droit à déduction commence à courir, il écope d’une amende de 15% du montant de cette TVA qui ne peut être inférieure à cinq cents (500) dirhams.

11. Extension de l’exonération de la TVA aux prestations de services liées aux équipements et matériels militaires acquis par les organes chargés de la défense nationale, de la sécurité et du maintien de l’ordre public.

  • Mesures spécifiques aux Droits d’Enregistrement

1. Alignement des taux des droits d’enregistrement applicables aux actes d’attribution de locaux ou terrains par les coopératives et les associations à leurs membres

Les actes d’attribution de logements aux coopérateurs des coopératives d’habitation sont soumis au droit fixe de 200 MAD selon des conditions prévues par le code général des impôts ou au droit proportionnel de 4% lorsque ces conditions ne sont pas respectées. En revanche, les actes d’attribution de logements aux adhérents des associations d’habitation sont soumis au taux de 1,5%.

Le PLF 2024 prévoit d’aligner les taux des droits d’enregistrement pour tous les actes d’attribution des locaux et terrains par les coopératives ou les associations, en appliquant les taux proportionnels de droit commun en vigueur (4% pour les constructions et 5% pour les terrains nus).

  • Mesures spécifiques à l’impôt sur les revenus (ci-après IR)

1. Déductibilité des cotisations sociales des indépendants

Le PLF 2024 prévoit d’autoriser la déduction des cotisations sociales prélevées par l’exploitant d’une entreprise individuelle de la base imposable de l’impôt sur le revenu.

L’objectif est d’élargir le droit de déduction des cotisations sociales au régime de l’assurance maladie obligatoire (AMO) et de la retraite au profit des professionnels, travailleurs indépendants et aux personnes non salariées soumis à l’IR selon le régime du résultat net réel ou simplifié.

Les cotisations sociales versées dans le cadre du régime de l’assurance maladie obligatoire de base pour les catégories des professionnels, des travailleurs indépendants et des personnes non salariées « exerçant une activité libérale sont également désormais déductibles.

  • Mesures communes

1. Institution du principe du droit à l’erreur pour permettre aux contribuables de rectifier spontanément leurs déclarations fiscales

Il est proposé d’instituer un nouveau dispositif permettant d’accorder aux contribuables le droit à l’erreur afin de régulariser leur situation fiscale et de rectifier spontanément les irrégularités constatées dans leurs déclarations fiscales. Ce dispositif octroie au contribuable la possibilité de demander à l’administration fiscale de lui faire parvenir un état des irrégularités constatées dans ses déclarations, afin de pouvoir souscrire une déclaration rectificative et de payer spontanément les droits complémentaires dus.

La déclaration rectificative devrait être accompagnée par une note explicative, établie par un commissaire aux comptes lorsque le chiffre d’affaires réalisé au titre du dernier exercice clos est égal ou supérieur à cinquante millions (50.000.000) dirhams hors TVA , un expert-comptable ou un comptable agréé autre que celui chargé de la tenue de la comptabilité du contribuable concerné, lorsque le chiffre d’affaires réalisé au titre du dernier exercice clos est inférieur à cinquante millions  (50.000.000) dirhams hors TVA, précisant les rectifications effectuées à la suite des irrégularités transmises par l’administration fiscale ainsi que celles relevées, le cas échéant, par ledit commissaire aux comptes, expert-comptable ou comptable agréé.

2. Simplification de la procédure relative à la constatation de l’abus de droit

Actuellement, il est prévu par les dispositions en vigueur deux niveaux de recours quand il s’agit des rectifications des bases d’imposition pour lesquelles l’administration invoque l’abus de droit, en l’occurrence :

  • Le recours devant la commission consultative du recours pour abus de droit ; et
  • Le recours devant la commission nationale du recours fiscal « CNRF ».

Le PLF 2024 prévoit de passer outre le recours devant la commission consultative du recours pour abus de droit, en maintenant un seul niveau de recours devant la CNRF.

3. Consolidation de l’encadrement et de la simplification de la procédure d’examen de l’ensemble de la situation fiscale du contribuable

Le PLF 2024 prévoit l’institution d’une procédure contradictoire simplifiée garantissant tous les droits des contribuables et permettant un dialogue continu avec l’administration fiscale durant les différentes phases ainsi que le droit du recours devant la commission nationale du recours fiscal et devant les tribunaux compétents.

Il convient de préciser que le champ de vérification de l’administration relatif aux dépenses de la personne physique vérifiée a également été élargi. Ainsi, notamment :

Ø Le vérificateur peut désormais contrôler tous les frais à caractère personnel, ainsi que toutes les dépenses supportées par la personne physique pour le compte des ascendants, descendants, conjoints ou autres personnes ayant un lien avec lui.

Ø L’administration peut contrôler une personne non identifiée et lui attribuer un identifiant fiscal.

  • Mesures diverses

1. Réinstauration de la mesure relative à la régularisation volontaire de la situation fiscale des contribuables

Le PLF de l’année 2024 prévoit une régularisation volontaire de la situation fiscale des contribuables. En effet, cette régularisation concerne les personnes physiques, au titre de leurs profits et revenus imposables au Maroc, n’ayant pas été déclarés avant le 1er janvier 2024 et constituant la source des avoirs et de financement des dépenses suivantes :

  • Les avoirs liquides déposés dans des comptes bancaires ;
  • Les avoirs liquides détenus en monnaie fiduciaire sous forme de billets de banque ;
  • Les biens meubles ou immeubles acquis et non destinés à usage professionnel ;
  • La souscription d’avances en comptes courants d’associés ou en compte de l’exploitant et des prêts accordés aux tiers.

Les avoirs et les dépenses précités ayant fait l’objet de la déclaration et du paiement du montant d’une contribution au taux de 5% desdites valeurs, ne seront pas pris en considération :

  • Pour la rectification des bases imposables lors du contrôle fiscal du contribuable concerné, au titre des exercices non prescrits ;
  • Pour l’évaluation du revenu global annuel dans le cadre de la procédure d’examen d’ensemble de la situation fiscale des personnes physiques.

2. Institution de la contribution libératoire relative à la régularisation spontanée au titre des avoirs et liquidités détenus à l’étranger

Il est proposé d’instituer une contribution libératoire relative à la régularisation spontanée au titre des avoirs et liquidités détenus à l’étranger avant le 30 septembre 2023 en infraction avec la réglementation des changes, par les personnes physiques et morales ayant une résidence, un siège social ou un domicile fiscal au Maroc.

Pour bénéficier de cette mesure, les personnes concernées seront tenues de déclarer leurs avoirs et liquidités détenus à l’étranger, de rapatrier les liquidités en devises et de payer une contribution libératoire au taux de :

  • 10% : de la valeur d’acquisition des biens immeubles détenus à l’étranger ;
  • 10% : de la valeur de souscription ou d’acquisition des actifs financiers et des valeurs mobilières et autres titres de capital ou de créances détenus à l’étranger.,
  • 5% : du montant des avoirs liquides en devises rapatriés au Maroc et déposés dans des comptes en devises ou en dirhams convertibles ;
  • 2% : des liquidités en devises rapatriées au Maroc et cédées sur le marché des changes au Maroc contre le dirham.

Source : Chambre des représentants, Accueil, Commissions, Commission des finances et du développement économique, Actualités, Dossier sur le PLF 2024 : https://www.chambredesrepresentants.ma/fr/PLF2024?sref=item3034-147406

Consulter ici le projet de loi de finances n° 55-23 relatif à l’année budgétaire 2024 tel qu’il a été déposé au Bureau de la Chambre des représentants.

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