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Jurisprudence : une décision administrative de fermeture prise en application de la loi sur l’état d’urgence sanitaire justifie la suspension du contrat et exonère le gérant libre du paiement des redevances pour la période de fermeture décidée par les autorités

Le tribunal de commerce de Meknès a rendu, le 10 novembre 2020, une décision relative à l’incidence, sur un contrat de gérance-libre de fonds de commerce, de la décision administrative de fermeture de certains établissements prise en application du décret-loi n° 2-20-292 du 23 mars 2020 relatif à la déclaration de l’état d’urgence sanitaire (T. com. Meknès, 10 nov. 2020, déc. n° 448, doss. n° 8201/2020/723).

En l’espèce, le propriétaire du fonds de commerce demandait le paiement des redevances dues (montant proportionnel aux résultats) par le gérant libre en contrepartie de l’exploitation du fonds de commerce pour la période allant du 16 mars 2020 au 10 septembre de la même année.

Les juges ont débouté en partie le demandeur, en refusant la demande de paiement pour la période allant du 16 mars 2020 à fin juillet 2020, et en la recevant pour la période allant du 1er août au 10 septembre 2020.

Le tribunal a motivé sa décision par référence à l’article 338 du Dahir des obligations et des contrats (DOC), en précisant que pendant la première période sus-indiquée (du 16 mars à fin juillet 2020), le commerce était fermé pour un évènement indépendant de la volonté du débiteur, à savoir la décision administrative de fermeture prise par les autorités en application du décret-loi relatif à la déclaration de l’état d’urgence sanitaire.

La décision présente un grand intérêt.

Elle fait opportunément application de l’article 338 du DOC, selon lequel « lorsque l’inexécution de l’obligation provient d’une cause indépendante de la volonté des deux contractants, et sans que le débiteur soit en demeure, le débiteur est libéré, mais n’a plus le droit de demander la prestation qui serait due par l’autre partie ».

Les dispositions ci-dessus, en effet, ont une portée somme toute large dans la mesure où elles couvrent aussi bien les situations dans lesquelles l’exécution devient définitivement et absolument impossible que celles dans lesquelles ladite exécution est seulement provisoirement et/ou relativement impossible, ce qui était le cas en l’espèce, s’agissant d’une fermeture obligatoire provisoire du commerce et de l’impossibilité de payer, qui est une impossibilité relative et non absolue.

Tel n’est pas le cas d’autres dispositions du DOC, bien plus souvent appliquées par les tribunaux et invoquées par les justiciables.

Il en est ainsi des dispositions consacrées par l’article 335 du DOC, lequel, en disposant que « l’obligation s’éteint lorsque, depuis qu’elle est née, la prestation qui en fait l’objet est devenue impossible, naturellement ou juridiquement… », vise l’hypothèse où l’impossibilité est à la fois absolue et définitive.

L’invocation de cet article serait de ce fait peu adaptée à la situation de pandémie actuelle et des mesures y afférentes, qui sont – fort heureusement – provisoires d’une part, et qui rendent difficile (et non point impossible) aussi bien l’exécution des obligations en nature que des obligations en numéraire d’autre part.

Il en est de même de celles prévues par l’article 268 du même texte lesquelles, en précisant qu’ « il n’y a lieu à aucun dommages-intérêts, lorsque le débiteur justifie que l’exécution ou le retard proviennent d’une cause qui ne peut lui être imputée, telle que la force majeure, le cas fortuit … », peuvent être invoquées par le débiteur poursuivi pour réparer le préjudice par lui causé et non, comme en l’espèce, le débiteur à qui on demande l’exécution (le paiement).

Larbi ABBAS, Enseignant-chercheur, Université Mundiapolis

Source : T. com. Meknès, 10 nov. 2020, déc. n° 448, doss. n° 8201/2020/723

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