La Journée Internationale des Enfants Disparus (25 mai) met en lumière un drame humain souvent lié à des réseaux d’exploitation aux ramifications financières. Cet article décrypte la réponse juridique du Maroc, s’appuyant sur la Loi n° 27-14 relative à la lutte contre la traite des êtres humains et la Loi n° 43-05 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux . Il analyse comment l’exploitation infantile alimente la criminalité financière et le rôle clé d’acteurs comme la Présidence du Ministère Public et l’Autorité Nationale du Renseignement Financier (ANRF) pour démanteler ces flux illicites et protéger les plus vulnérables. Une plongée au cœur des stratégies marocaines de lutte contre ces crimes.
Le 25 mai de chaque année marque la Journée internationale des enfants disparus, une commémoration instaurée à la suite de la disparition tragique d’Etan Patz à New York en 1979. Cette journée souligne l’ampleur d’un phénomène global, avec des chiffres alarmants : des dizaines de milliers d’enfants signalés disparus annuellement dans des pays comme l’Australie, le Canada, l’Allemagne ou encore les États-Unis. Si chaque disparition est un drame humain, elle peut aussi dissimuler des réseaux criminels sophistiqués, notamment ceux liés à la criminalité financière.
Au Maroc, la protection de l’enfance est une priorité inscrite au cœur de la politique pénale, sous l’impulsion active de la Présidence du Ministère Public. Le Royaume s’est doté d’un arsenal juridique et institutionnel visant à prévenir et réprimer les atteintes aux droits des enfants, y compris les disparitions qui peuvent être le prélude à diverses formes d’exploitation.
Le Cadre Juridique Marocain à l’Épreuve des Disparitions et de l’Exploitation
La pierre angulaire de la réponse marocaine à l’exploitation des enfants, souvent liée à leur disparition, est la loi n° 27-14 relative à la lutte contre la traite des êtres humains. Ce texte fondamental incrimine lourdement l’exploitation sous toutes ses formes – qu’elle soit sexuelle, par le travail forcé (y compris domestique) ou la mendicité forcée – et prévoit des mécanismes de protection des victimes. Cet engagement législatif s’inscrit en droite ligne des conventions internationales ratifiées par le Maroc, au premier rang desquelles la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.
La Présidence du Ministère Public joue un rôle central, comme en témoigne son rapport annuel 2023, en veillant à l’application rigoureuse de la loi. Elle émet des directives claires aux procureurs pour une action pénale ferme et coordonnée. Cette coordination est essentielle et implique une synergie entre les services de la police judiciaire (Direction Générale de la Sûreté Nationale – DGSN, Gendarmerie Royale), les magistrats (juges d’instruction, juges des mineurs), les départements ministériels concernés (Justice, Santé, Éducation Nationale, Solidarité) et la société civile.
Pour outiller les professionnels, des initiatives concrètes voient le jour, à l’instar du “Guide pratique sur les indicateurs d’identification des enfants victimes de la traite des êtres humains“, co-publié avec l’UNICEF. Ce guide vise à affûter la capacité des acteurs de première ligne à déceler les signes, souvent discrets, de la traite.
Derrière de nombreuses disparitions d’enfants se cachent des motivations lucratives. L’exploitation d’enfants génère des profits illicites considérables pour les réseaux criminels. C’est ici qu’intervient la dimension de la criminalité financière. Il est crucial de souligner que les diverses formes d’exploitation des enfants – telles que l’exploitation sexuelle, le travail forcé des enfants, l’utilisation d’enfants dans la mendicité, voire le trafic d’organes – constituent des infractions principales dont les produits peuvent faire l’objet d’opérations de blanchiment de capitaux. La loi n° 43-05 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, modifiée et complétée, constitue l’outil juridique majeur pour s’attaquer à ces flux financiers issus d’activités criminelles, la traite des êtres humains et les crimes d’exploitation des enfants étant des infractions sous-jacentes déterminantes.
L’Autorité Nationale du Renseignement Financier (ANRF), instituée par ladite loi, est au cœur du dispositif de détection et de prévention. Elle reçoit et analyse les déclarations de soupçon transmises par les assujettis (banques, institutions financières, etc.) et peut jouer un rôle déterminant dans le démantèlement des réseaux en traçant les mouvements de fonds. Les circulaires de Bank Al-Maghrib, de l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC) ou de l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS) rappellent régulièrement aux entités sous leur supervision leurs obligations de vigilance, de connaissance client (KYC) et de déclaration des opérations suspectes pouvant être liées au produit de ces crimes.
L’identification de transactions financières atypiques, de montages financiers opaques ou de l’utilisation de canaux de paiement non conventionnels peut constituer des indices précieux. Les efforts internationaux, comme ceux de l’ICMEC avec sa “Financial Coalition Against Child Sexual Exploitation”, démontrent la pertinence de cibler les aspects financiers pour secourir les victimes et appréhender les auteurs. Une collaboration renforcée entre les services d’enquête, le Ministère Public et l’ANRF est donc cruciale pour asphyxier financièrement ces réseaux.
Vers une Approche Intégrée et Proactive
La lutte contre les disparitions d’enfants et l’exploitation qui peut en découler au Maroc repose sur un cadre juridique solide et un engagement institutionnel affirmé. Cependant, la complexité du phénomène, exacerbée par sa dimension financière, appelle à un renforcement continu des capacités d’investigation, notamment financières, et à une coopération interinstitutionnelle sans faille. S’attaquer aux profits illicites générés par ces crimes odieux n’est pas seulement une question de justice, mais un levier stratégique pour démanteler les réseaux criminels et protéger durablement les enfants, qui constituent l’avenir de la nation.
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